Nous avons appris avec retard le décès de Gérard Dumoutier, survenu fin mai.
Gérard avait toujours eu cette passion pour le bonsaï, la peinture et la poésie.
Il avait longtemps collaboré avec la FFB. A chaque congrès, il plaçait les arbres toujours dans le respect des règles. Souvent ses arbres étaient remarqués et primés. Il avait passé l’examen au niveau 3, mais malheureusement était tombé malade avant la dernière épreuve.
Après sa maladie, il nous avait fait parvenir un article que nous avions publié dans France-Bonsaï et que vous pourrez lire à nouveau ci-dessous.
Pour tout ce que tu as fait, Gérard, merci.
Le bonsaï et le silence
Quand une œuvre d’art nous « cloue le bec », c’est sûrement qu’elle mérite ce titre.
J’ai eu le plaisir, l’année dernière, de faire une exposition – installation d’une semaine dans la salle de conférence du lycée Jean Monnet de Cognac ( le deuxième en importance du département de la Charente) – et j’ai été frappé par l’attitude des adolescents que l’on prétend difficiles.
Dès passé le seuil de la salle, ils se taisaient comme s’ils entraient dans un lieu saint et je dois dire que durant toute la semaine où sont passés quelques centaines de jeunes, je n’ai eu aucune observation à leur faire. Leur silence était fait de respect à tel point que certains professeurs m’ont demandé comment je faisais pour les « tenir ». Je n’ai pourtant rien fait de particulier sauf leur offrir un voyage dans l’inconnu sur fond de musique de flûte japonaise évoquant le vent dans la montagne. Leurs questions étaient toujours pertinentes, pas une seule fois les éternels « combien ça coûte? » ou « quel âge ? » mais plutôt « comment on fait cela ? ». Et surtout, l’atmosphère incitait à la méditation, à la sérénité.
Si le bonsaï n’est pas ça, alors qu’est-il ?
Je vis en ce moment des temps difficiles, cloué sur un fauteuil roulant dans un centre de réadaptation pour handicapés et je me dis que j’aimerais un jour apporter ce calme et ce réconfort à tous ces gens parmi lesquels je vis, un répit pour tous ces êtres de tous âges dont le corps n’est plus qu’une seule plainte de souffrance.
Un moment de silence, une trêve, une branche qui se penche vers le sol comme pour répandre ses feuilles tombées à l’automne.
Dans leur immobilité, les arbres sont tout de grâce et d’élégance. C’est du moins comme cela que je les vis. Les jeunes du Lycée l’ont bien compris, le spectacle les a touchés dans leur part la plus sensible, la plus intime, cette part que nous partageons tous et qui n’appelle pas de discours mais qui ne se déploie que dans le silence et le recueillement de la contemplation.
Si le visiteur, plutôt que de se laisser pénétrer par le message qui lui est délivré se sent obligé d’appeler à la rescousse des commentaires et des explications ou des exclamations, alors il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Il faut absolument « clouer le bec » du spectateur pour qu’il s’imprègne et reparte soulagé.
Comment entendre le vent dans les feuillages si on parle sans cesse ?
Le seul environnement pour le bonsaï doit être le silence, le temps qui passe sur ses frondaisons ne fait pas de tintamarre. Il se glisse sans bruit, sans mots.
Le bonsaï, c’est : « silence ! on pousse ! » et en silence, les siècles passent…
Gérard Dumoutier.
Novembre 2011